Ce qu'elle faisait là ? A vrai dire... Aucune idée. Tout ce qu'elle avait en tête était que les Shadows avaient eu un soucis de fuite au hangar et que ça leur avait coûté les yeux de la tête ! La cagnotte réservée aux coups durs était déjà partie dans un énième problème de porte et de serrures, si bien qu'ils avaient tous dû mettre la main à la poche. Lorsqu'on avait besoin d'argent, on travaillait. Sa mère le lui avait toujours dit, affrontant la vie avec ses joies et ses peines. Loann en avait conscience. Cependant, malgré la pleine saison, les job qui payaient bien se faisaient rares. On enchaînait les heures pour recevoir un salaire de misère, qui couvrait à peine nos frais pour venir tous les jours. C'était comme ça. La dure loi de l'été pour les résidents de Miami, ou d'une autre ville côtière. Des saisonniers, il y en avait à la pelle. Beaucoup de jeunes américains quittaient leurs campagnes profondes pour faire la fête tout l'été, tout en finançant au fur et à mesure leur séjour. Alors si on osait se plaindre de quoique ce soit, on prenait la porte puisqu'ils faisaient la queue pour avoir notre place. Face à cette concurrence, on n'avait pas d'autres choix que de subir cette réalité, ou bien de cumuler plusieurs emplois pour se constituer une paie satisfaisante. Loann avait donc fait un effort considérable pour se présenter au Blue Club. Chez elle, tout le monde savait que cet endroit appartenait à un Sandler. Tout le monde connaissait le repère des Sharks. S'y rendre seul, c'était comme se jeter dans une fausse aux lions. Mais il cherchait un dj, pour une unique soirée. Le salaire annoncé aurait fait un bien fou à l'équipe... Alors elle s'était pointée, comme la jolie petite proie qu'elle était. Son entretien avait été rapide, puisqu'elle y était allée au culot. Pas de cv, pas de mise en avant quelconque de la danse, au cas où le propriétaire connaisse ces histoires de rivalités et de crew. Elle s'était présentée comme une artiste, et s'était aidée d'une simple clé usb contenant des morceaux remixés à sa sauce. Le feeling était passé et Mr. Sandler avait confié sa première partie de soirée à la jeune femme.

Voilà comment elle s'était retrouvée là ! A cause d'une satanée fuite dans la salle de bain ! Bien sûr, elle n'en n'avait pas touché un seul mot à qui que ce soit chez les Shadows. Ils auraient préféré faire la grève de la faim et vivre dans le noir pour réduire les factures de courant plutôt que de laisser l'un des leur travailler pour l'adversaire. Plutôt mourir que de s'abaisser face aux Sharks ou leurs proches. C'était une question de fierté selon eux. Et bien que Loann soit elle aussi très fière, elle n'en était pas non plus idiote et préférait voir ça comme une plumage dans les règles de l'art. Elle leur offrait un dixième de son art, contre un gros salaire. Car elle était capable de bien plus ! Sauf qu'elle le réservait à son clan.

La soirée avait bien démarrée, et Loann se faisait discrète. Elle mixait derrière les platines, mais faisait son possible pour rester dans l'ombre. Pas trop d'originalité et de freestyle, de peur d'attirer l'attention. Il suffisait que l'un des Sharks la voit pour être grillée et avoir potentiellement des ennuis. Elle savait que ça n'avait pas été l'idée du siècle de venir travailler ici. Pourtant, elle l'avait fait, pour sa famille. Ce qu'elle avait pressenti ne tarda pas à arriver. Quelqu'un la remarqua, et pas n'importe qui. Le co-capitaine des Sharks venait de se poster devant elle, alors qu'elle bossait. Super, un des plus coriaces ! Et à peine eut-elle tourné la tête vers lui pour savoir ce qu'il lui voulait, qu'il l'attaqua. Mais elle le laissa parler, affichant un sourire en coin, apparemment amusée par ce qu'il disait. « Qu'est-ce que je fous là alors, si le nain de jardin est si extraordinaire que ça ?! Je sais que c'est chez vous, seulement on choisit pas toujours où l'on bosse. J'ai bientôt fini ma part du contrat, soit rassuré je ne vais pas te voler ta maisonnette ! » Elle ponctua ses propos en mimant un air boudeur et enfantin, digne d'un gamin qui serait en plein caprice. Il pensait l'impressionner ? Il se mettait un doigt dans l’œil. S'il y avait bien quelque chose que ne faisait pas Loann, c'était se laisser faire. On lui marchait rarement sur les pieds, car elle rendait les coups qu'on lui portait. « Qui te dit que j'ai envie de remettre les pieds ici ? » Sa proposition l'étonnait. Il la méprisait tant que ça pour être certain de son coup, que plus jamais elle ne viendrait ici ? Apparemment. « Tu dois être un si mauvais partenaire pour penser que tu vas me faire fuir. Quelle est ta technique ? Tu marches sur les pieds de ta compagne ? » Néanmoins, elle accepta, pour le challenge. Et puis Hugo et ses airs supérieurs avaient tout de même un certain charme. Elle céda sa place à son voisin, et ce dernier ayant entendu leur conversation fit le malin en lançant un morceau assez surprenant. De quoi attirer les regards, chose qu'elle avait tenu à éviter jusqu'à présent. Lâchant ses cheveux, comme dans un infime espoir de pouvoir se cacher derrière lors de la danse, elle descendit jusqu'à la piste de danse en compagnie d'Hugo. Mais qu'est-ce qu'elle faisait ?! Là, elle priait pour qu'aucun Shadows ne soit dans le coin. Dans un premier temps, elle se laissa porter par les mouvements de son partenaire de fortune. Elle le suivait tant bien que mal, sentant qu'il était de plus en plus réceptif au partage et à l'échange. A croire qu'il faisait peu à peu tomber les barrières entre eux, savourant pleinement le moment. Il était agréable de danser avec lui, de sentir ses mains puissantes sur son corps, son souffle contre sa peau. Ce choix de musique avait intrigué la clientèle, et pourtant Loann avait l'impression d'être seule sur cette piste de danse. Seule avec lui. Et lorsque tout se calma, que la pression retomba et qu'Hugo se montra plus doux avec elle, la jeune femme reprit conscience de tout ce qui l'entourait. Elle retira doucement sa main, dans une infime caresse et ancra son regard dans le sien. « Ça veut dire que j'ai obtenu mon laisser passer ? » Elle sourire aux lèvres, elle avait relevé son défi.

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